Thursday, September 03, 2009

Un prophète de Jacques Audiart


Je peux compter sur une main le nombre de films français que j'ai eu envie de voir ces dix dernières années : Irréversible, Seul contre tous, Martyrs et 13 Tzameti. Un prophète vient s'ajouter à la liste et comme les quatre autres je ne regrette en rien ma décision. Étranger des salles de cinéma depuis plusieurs années, par lassitude de devoir se déplacer et payer un prix prohibitif pour une seule séance quand un DVD acheté d'occasion coute a peu près le même prix, l'enthousiasme d'un ami m'a tiré jusqu'à une salle du sixième pour recevoir ma claque cinématographique.

Incarcéré pour six ans, Malik El Djebena (Tahar Rahim) est vite pris a parti par un groupe de prisonnier Corse qui le contraignent a commettre un meurtre pour leur compte. Protégé mais exploité comme femme de ménage pour le chef du groupe, César Luciani (Niels Arestrup), El Djebena, analphabète et seulement âgé de 19 ans, apprend et sert bientôt de relais avec l'extérieur pour ce parrain à la dérive quand ses compagnons partent rejoindre leurs familles en Corse suite à une décision du président de la République. L'ascension se fait pourtant toujours dans les murs de la prison et Jacques Audiart ne cesse de le rappeler grâce a une réalisation claustrophobe centré sur les personnages et les quatre murs qui les entoure. Les prises en extérieurs dans la prison privilégient les murs et non le ciel. La lumière n'enveloppe le héros que lors de ses sorties mais elle disparait très vite dès qu'il replonge dans ses affaires.

Plus qu'un film sur l'univers carcéral, Un prophète est une mise en abime dans le quotidien d'un prisonnier. Qu'il soit à l'intérieur ou à l'extérieur du lieu, il reste enfermé. Ainsi, la progression d'El Djebena au sein de la prison se fait au prix de porte qui se ferment tour à tour autour de lui plus ils montent ses différents business. Les truands de Jacques Audiard n'ont donc rien à voir avec ceux de Michel bien que le don dans l'écriture des dialogues soit resté dans la famille. Le fils excelle de toute manière dans tout les registres et use de nombreux outils visuels comme d'écrire les noms des personnages principaux à l'écran quand ils apparaissent pour la première fois à l'écran. Les apparitions du fantôme du prisonnier assassiné par El Djebena sont aussi très réussis en croisant parfaitement la frontière entre un réel halluciné et une apparition fantasmatique qui va bien plus loin qu'exprimer la culpabilité du meurtrier.

Dense, magistrale et d'une puissance constante tout au long de ses deux heures trente, Un prophète est un film ouvert aux interprétations symboliques (la dernière image où El Djebna endosse le rôle d'Abraham, accompagné par la femme et le fils de son ami et suivi par une fille de voiture) tout en restant crue et impeccable dans son rendu de la vie de criminels dont la violence banale explose pour les raisons les plus stupides (comme cette chasse aux cerfs improvisée après qu'une voiture en est percuté un). Audiard mêle obscurité et clarté pour un résultat que l'on ressent parcourir à l'intérieur de soi bien après que l'on soit sorti de la salle. Toutes les marques d'un chef d'œuvre habité par des auteurs de talents, autant les acteurs principaux à l'interprétation parfaite que par les hommes derrières la caméra, depuis le scénario jusqu'au rendu visuel.

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