Saturday, October 24, 2009

Placebo - Rock sur ordonnace de Thierry Desaules (Editions Alphée - Jean-Paul Bertrand)


Quinze années de Placebo et toujours autant de passion autour de ce groupe. "Nancy boy" m'avait, moi aussi, marqué à sa sortie. Le style et la voix de Brian Molko impressionnait alors ma petite tête d'ado. Un peu plus tard "Nancy boy" me reste à l'esprit grâce a un très beau clip. Placebo a l'art de la mise en scène mais pas celui de garder mon attention. J'oublie tout ce que peux bien représenter ce groupe pour un adolescent jusqu'à la lecture de cet ouvrage consacré à la carrière et, surtout, à la vie de Brian Molko.

Thierry Desaules, journaliste de profession, y raconte dans les moindres détails l'enfance du trio, la formation du groupe et les événéments marquants, médiatiques et personnels. Entre les extraits d'interviews du groupe, de proche et de collaborateurs, Desaules détaille les influences avoués des musiciens et leurs envies. Sa voix, en revanche, celle du journaliste, est mise sous silence pendant toute la durée du livre. Je peux comprendre que l'on soit fan d'un artiste et qu'on l'aime suffisamment pour y consacrer deux cent pages. En revanche, je suis très étonné de l'adulation que celui-ci porte aux moindres faits et gestes du groupe. Chaque concert, chaque chanson, chaque nouvel album est présenté sous un angle positif, enthousiaste.

"Rock sur ordonance" n'est pas qu'une ode à Placebo, c'est une profession de foi. Les témoignages de fans qui occupent la vingtaine de pages, avant la discographie détaillée, viennent asseoir cette impression de culte. Brian Molko est un être unique et fascinant dont le regard seul émerveille et guérit quand il se porte sur ses fans. Celles-ci en chantent les louanges et l'on peut se douter qu'il en est de même pour l'auteur tant sa propre voix ne fait qu'accompagner en cœur le sentiment d'exaltation qui entoure le groupe et sa musique.

Admiration sans limite pour le groupe mais aussi pour tout ses collaborateurs. Lors d'une partie consacrée à l'enregistrement de l'album de reprise de Serge Gainsbourg par des artistes français et internationaux, on apprend donc que Françoise Hardy est "l'icône absolue des rockers britanniques". Tout le monde n'est pas seulement beau et gentil mais aussi fantastique, talentueux et génial. Un débordement de louanges fatigantes pour le regard critique que je porte sur ce groupe dont je ne suis pas fan. Il est donc probable que les fans désireux de lire une biographie détaillée de l'artiste y trouveront leur compte. D'analyse journalistique et musicale, l'auteur n'en fait aucune et s'arrête donc à détailler succinctement la biographie des groupes et artistes que les musiciens reconnaissent comme influence.

Claire et facile à lire, cette biographie se veut détaillée et complète et n'use d'aucun effet de style. Une décision un peu surprenante puisque l'auteur a déjà écrit un roman et aurait pu démontrer ses prouesses littéraires à quelques occasions. Or, en dehors de la première page servant de description à la ville d'enfance de Brian Molko, l'auteur use d'un style dénudé et riche en adjectifs dithyrambiques pour raconter l'existence de Placebo. Comme si le groupe devait être adoré sans jamais questionner chacun de ses faits et gestes. Ses défauts plairont peut être aux fans passionnés comme ceux dont la foi enthousiaste sert de conclusion approprié à cet ouvrage.

Saturday, October 03, 2009

Thirst de Park-Chan wook


Sang-hyeon, prêtre coréen désespéré de sauver des vies et de ne pas juste prier pour leur salut dans l'autre-monde, rejoint un centre de recherche africain sur le virus Emmanuelle. Similaire au virus Ebola dans ses effets, le virus Emmanuelle est meurtrier et ne laisse aucune chance de survie à ceux qui en sont infectés. Des 500 personnes infectés volontairement par le virus, Sang-hyeon sera pourtant le seul survivant après avoir été transfusé d'une dose de sang d'origine d'inconnu. A l'insu du personnel médicale et de lui-même, à son retour en Corée, il se transforme progressivement en vampire et le gout du sang devient irrépressible ainsi que celui de la chaire.

Thirst, neuvième film réalisé par Park Chan-Wook (JSA, Old Boy, Lady Vengeance), l'un des chef de file du cinéma coréen et l'un des réalisateur les plus talentueux de sa génération, entreprend de se réapproprier le mythe vampirique. Érotique, sanglant et romantique, Thirst use des codes du film de vampire pour raconter la découverte progressive de la vie par un prêtre dont l'existence a toujours été tourné vers les autres.

Sang-hyeon n'embrasse pour autant pas ses nouveaux dons et son ouverture sensorielle (les vampires sont ici dotés d'une force surhumaine, de sens sur-développés et d'un pouvoir de régénération) et interroge sa foi chrétienne. Tout au long du film il évoluera dans sa manière de considérer sa propre nature jusqu'à un final mémorable et silencieux. Thirst diffère donc très fortement d'un conte fantastique comme Old Boy dans son calme où se mêle violence, touches d'humour grinçants et érotisme (qui "rend manifeste la dualité, la multiplicité incluse dans l'unité" selon l'anthropologue Jean-Pierre Vernant). Le pacte scellé par l'acte sexuelle entre Sang-hyeon et Tae-joo est tout aussi centrale que dans Old boy. L'attention est alors porté sur les détails, le jeu de regard. Les acteurs ne produisent pas une scène fantasmé mais tout simplement réaliste où deux êtres apprennent a s'aimer dans une étreinte charnelle puissante et forte en symbolisme.

Le scénario passe donc au second plan puisqu'il, somme toute, assez prévisible. Le jeu des symboles, les scènes se retrouvant en écho durant le film (le discours de Sang-hyeon dans le confessionnal et celui qu'il tiens plus tard à Tae-joo sur le suicide ou les préliminaires de l'acte sexuelle reproduit lors de la scène de la "résurrection") et la mise en image des tourments des personnages forment la majeur partie du film sans que le réalisateur ne perde le rythme de son œuvre. Je ne suis donc pas ennuyé une seule seconde, ni n'ai eu besoin de regarder ma montre durant la projection, tant j'étais absorbé par la beauté des images et le jeu des acteurs.

Ainsi, Kang-oh Song ne manque pas à sa réputation et prouve qu'il est capable d'interpréter des personnages extrêmement variés (voir ses performances dans Memories of murder, sa folie dans Le Bon, la Brute et le Cinglé et les transformations de sa personnalité tout au long de Thirst, tant innocent, enjôleur, dominant, dominé et résigné). Quand à Ok-vin Kim, elle excelle dans un rôle de femme frustré devenant progressivement manipulatrice pour finir par être un véritable chat quand elle joue avec ses victimes.

Park-chan Wook continue donc de faire évoluer son cinéma et use de ses leçons apprises dans ses précédents films. Thirst use de l'absurde et du développement subtile des relations amoureuses de I'm a cyborg tout en retournant vers la beauté épique et déchiré de Lady vengeance. Park Chan-wook wins again.