Monday, August 17, 2009
Asterios Polyp de David Mazzucchelli (Pantheon books)
Je devrais commencer cette chronique avec une courte biographie de l'auteur mais je n'en suis pas capable. David Mazzucchelli est un artiste dont la carrière m'a toujours échappé. Avec Frank Miller il a contribué a donner à Daredevil (Born again en 1986) son âme de héros brisé mais invaincu tandis qu'avec le même auteur il écrivit la mythologie de Batman pour en faire un héros à la fois humain et surnaturelle. Une biographie qui, il faut le rappeler, est la première source d'influence de Christopher Nolan pour son premier film sur la chauve-souris de Gotham City (Batman : Year one en 1987).
Le style de Mazzucchelli n'était pas alors encore celui de l'auteur accompli mais de l'illustrateur servant le scénario. Il a depuis grandit en tant qu'artiste et changé son style vers une ligne claire européenne (Hergé, E.P. Jacobs ...) mêlé aux évolutions scénaristiques et graphiques de l'américain Will Eisner et même graté quelques codes graphiques du coté du Japon. Mazzuccheli est un dessinateur sans attâche culturel au même titre que certains se proclament citoyens du monde. La différence est que cette dernière formule est plus associés à des prétendants au thrône de la dernière révolution culturel tandis que Mazzucchelli est un auteur accomplis pour qui le mélange des influences est une seconde nature.
La première qualité d'Asterios Polyp est sa fluidité narrative au travers de planches complexes ne connaissant aucune limite malgré la présence de cases censé enfermer l'histoire dans une même direction. Celle-ci n'échappe pas pour autant à l'auteur mais permet aux personnages de vivre et à leur histoire de se découvrir à travers un continuum temporelle éclaté entre le présent, le passé et les songes de son personnage principale.
Celui-ci n'est même pas sympathique dès les premières pages. Seul dans une chambre, un incendie le pousse à partir de chez lui avec seulement quelques billets pour partir chercher ailleurs. Il fera alors la rencontre d'une petite famille dont le père, garagiste, accepte de lui donner un toit en l'échange de son travail. Les retours dans le passé servent donc à présenter Asterios, enseignant et architecte dont aucun design n'a jamais été construit. Ce pure théoricien au charme et à l'intelligence hors du commun fait la rencontre d'une jeune femme d'origine asiatique, tout aussi intelligente mais beaucoup moins "médiatique". Une rencontre qui lui permettra de combler ce manque afin de combler l'équilibre.
Leur relation est au centre de ce livre car elle est au centre des complications de la vie d'Asterios, jumeau séparé à la naissance d'un frère qui l'a accompagné dans le ventre de leur mère. Le reflet, le double, l'opposition sont des thèmes qui reviennent régulièrement dans les conversations et dans les planches. Riches en références culturels, le texte est aussi fascinant que les multiples symboles que Mazzucchelli développe dans son histoire ou sous la forme de petits détails visuels où le texte et l'image font corps dans une chorégraphie graphique que seul un génie de ce média est capable d'orchestrer avec autant de brio.
De la même manière que Local (de Brian Wood et Ryan Kelly) qui donnait vie à une jeune femme de ses 18 ans jusqu'à son retour dans la maison familiale à 32 ans, Asturos Polyp est un roman graphique racontant l'épopée d'un être fictif que l'on apprend a connaitre et prend vie au delà de la page dans notre coeur et notre esprit. L'exercice de style qu'aurait pu être cette histoire riche en tout point est transformé en une aventure humaine formidable et ingénieuse où l'on ne peut s'empêcher de se comparer à Asterios et questionner ses propres choix contre les siens. La vie d'Asterios Polyp devient alors le reflet de la notre et le miroir prend alors une nouvelle forme entre les mains du lecteur.
Saturday, August 01, 2009
Pluto de Naoki Urasawa (Viz Comics)
Ma première impression après avoir fini de lire ce premier tome de Pluto fut d'avoir lu un chef d'œuvre. Plus j'y repense et plus je continue de croire que c'est un chef d'oeuvre. J'écris donc cette chronique pour appuyer encore un peu plus le trait et le déclamer devant le village globale : Pluto est un chef d'oeuvre ! Oui, vous avez même droit au point d'exclamation.
Pourquoi ? Difficile à dire, comment décortiquer de manière synthétique toutes les qualités d'une oeuvre sans aucun défaut. Il faut donc que je revienne à ce que je pensais avant de lire Plutot : J'avais bien aimé ce que j'avais lu de 20th Century Boy et de Monster mais je n'avais jamais ressenti le besoin pressant de continuer à lire à tout prix son histoire. Trop de volume, trop d'enthousiasme de la part de la presse intello / bobo, trop l'impression que l'histoire va tirer en longueur, comme la plupart des séries, pour tenir en haleine son public. J'ai peut être bien tort mais tel était l'impression que j'avais vis à vis de Naoki Urasawa. Je savais qu'il avait beaucoup grandit depuis Pineapple Army, quand je lisais encore cette série dans les pages de Kaméha, un des premiers magazine français de prépublication de mangas, mais son style ne m'avait toujours pas convaincu.
Aujourd'hui, Pluto me fait revenir sur tout ce que j'ai pu dire et je vais peut être même me lancer dans 20th Century Boy. Pluto est juste aussi bon que ça.
A la sortie du premier volume chez Viz Comics (celui que j'ai d'ailleurs lut puisque la série n'est pas encore publié en France) Matt Fraction (un des scénaristes de comics les plus talentueux actuellement) avait déclaré que Pluto justifiait l'existence de la bande dessinée en tant que média, une hyperbole efficace qui avait attiré mon attention. C'est donc pour cette raison que j'ai acheté ce premier volume et c'est aussi pour cela que je viens vous colporter la bonne parôle : Matt Fraction a raison. Pluto ne justifie pas l'existence de la bande dessinée mais c'est une oeuvre qui exploite tout les mécanismes narratifs avec talent, maitrise et intelligence.
Crée comme un hommage à Tezuka, créateur de Astro Boy, personnage amené a devenir centrale dans cette histoire, ainsi que du détective, personnage principale de ce présent volume, Pluto, énemi d'Astro et de Black Jack, le chirurgien de l'impossible qui entre apparait un instant, Pluto est une réinterpration contemporaine (dans le style) et plus mature (donc complètement seinen) de "The greatest robot on earth". Passé sous le filtre Urasawa, l'univers d'Astro se voit osculter sous l'oeil d'un auteur passé maïtre dans la conception d'un thriller mais aussi dans l'élaboration d'un scénario complexe qui sait laisser de l'espace aux émotions, même quand elles ne sont pas exprimés comme sur le visage robotique de la femme d'un officier de police.
L'une des grandes forces de Pluto est donc la suspension temporelle qu'il utilise avec brio dans de nombreuses scènes en alternant avec des cases sans paroles et avec des échanges statiques où la tension se lit sur le visage metallique, artificiel ou humain. Ensuite, bien que ce premier volume ne soit qu'une introduction aux différentes pistes qui seront explorés par la suite, celles ci sont disséminés a une vitessse constante qui ne laisse donc aucun repos et aucun chapître vide de sens dans la toile complexe qui se tisse.
De plus, l'univers futuriste de Urosawa pioche avec intelligence dans des oeuvres aussi variés que celle de Isaac Asimov (les lois de la robotique que l'on évoque a plusieurs reprises) ou le dessin animé Gatchaman (le robot serviteur du pianiste est un clin d'oeil assez inévitable). Les références sont donc omniprésentes sans jamais qu'elles ne viennent interrompre le rythme de l'histoire ou pollué le cours de la narration. Urosawa sait où il va et a l'image d'un musicien qui se permet de petits mouvements supplémentaires pour impressionner son public, il introduit ces clins d'oeils. Le graphisme n'est bien sur pas en reste et je reste médusé devant des cases où l'on découvre un décors urbain complexe où chaque fenêtre apparait précisemment ou des paysages naturels paisible.
Enfin, plus qu'une histoire complexe, Pluto est aussi une collection de moment subtiles et puissant comme cette échange entre le détective et la femme robot dans le deuxième chapître ou cette fantastique case vers la fin de "North N°2 part 3" où le robot apparait enfin comme bien plus grand que son tyrannique maître pianiste, symbole de la conclusion d'un combat paisible entre l'obstination d'un viel homme et celle d'un robot qui tente tout les deux de dépasser ce qu'ils ont vécus.
Pluto n'est pas encore paru en français mais sa parution est déjà achevé au Japon. Il reste donc encore sept volumes a dévorer. L'avenir me dira si j'ai eu raison de m'exciter. Après tout, après un départ aussi magristrale, Urasawa pourrait me décevoir. Il resterait alors malgré tout un superbe premier volume qui, sans être suffisant, procure des sensations à chaque page. Celles d'être devant une oeuvre unique et formidable tout aussi géniale que celle dont elle s'inspire. Urasawa est en train d'acquérir à mes yeux l'intelligence et la force qui font de lui un digne successeur à l'idéal de créativité et d'originalité qu'a légué Osamu Tezuka à la bande dessinée mondiale.
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